marché des sneakers

Le marché des sneakers ralentit mais garde un potentiel de croissance

Le marché mondial des baskets connaît un ralentissement, mais l’innovation et les marques émergentes laissent entrevoir une reprise progressive.

Une introduction à un secteur en phase de transition

Le marché des sneakers a franchi un cap en 2021 avec une croissance de +19,5 %, atteignant des volumes records. L’année suivante, le contraste est brutal : +2,7 % seulement en 2022, selon Statista, pour un total de 152,4 milliards de dollars, soit environ 141,2 milliards d’euros. Cette décélération, brutale mais attendue, reflète un ajustement cyclique après une période d’hyperconsommation post-pandémie et des déséquilibres logistiques mondiaux.

Ce repli n’est pas un signe d’effondrement. Il marque un moment de réajustement structurel pour les acteurs dominants comme Nike, adidas ou encore New Balance, contraints de composer avec des stocks excédentaires et une base de clients suréquipée. Parallèlement, de nouveaux entrants ou acteurs historiquement secondaires gagnent en influence : Salomon, ASICS, ON, ou HOKA se démarquent grâce à une approche centrée sur la performance, l’authenticité et l’innovation produit.

La période actuelle oblige les marques à sortir de la croissance artificielle alimentée par les séries limitées et les hausses de prix. L’enjeu est désormais de retrouver un équilibre entre désirabilité et accessibilité, dans un environnement où la fidélité est plus volatile et les attentes plus rationnelles. Malgré la pression conjoncturelle, les prévisions à moyen terme restent positives, avec +5,18 % de croissance annuelle anticipée entre 2024 et 2028 selon Statista.

Une réalité marquée par la fin d’un cycle de surchauffe

Le ralentissement des ventes globales en 2022 n’est pas un accident. Il sanctionne une surchauffe logistique et commerciale, particulièrement visible chez les deux poids lourds du secteur. Nike et adidas ont multiplié les lancements, les collaborations et les éditions limitées, au point de saturer les canaux de distribution et de provoquer un effet de lassitude chez le consommateur final.

Fin 2022, Nike annonçait un stock excédentaire de plus de 9,3 milliards de dollars (près de 8,6 milliards d’euros), contraignant l’entreprise à brader certains modèles, y compris sur ses canaux directs. Chez adidas, l’arrêt brutal de la collaboration avec Yeezy (Kanye West) a laissé un vide de plus de 1,2 milliard d’euros dans les prévisions 2023. Ces déséquilibres ont fragilisé les marges et exacerbé une pression concurrentielle déjà forte.

Le prix moyen d’une paire de sneakers sur le marché américain a chuté de 9 % en 2023, selon Cowen Equity Research, alors que les coûts de production (matières premières, transport, salaires) poursuivent leur hausse. En Europe, cette tendance est similaire : le panier moyen baisse alors que les promotions s’intensifient, signe d’un déséquilibre offre-demande persistant.

Par ailleurs, la répartition géographique des ventes évolue. Si les États-Unis restent le premier marché mondial, la Chine connaît une contraction liée à la perte d’attractivité des marques occidentales, notamment adidas, et à la montée des acteurs locaux comme Li-Ning ou Anta, désormais capables de rivaliser en qualité et en marketing.

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Une mutation portée par l’innovation et les marques de niche

Malgré ce contexte morose à court terme, la dynamique d’innovation ne faiblit pas. Le marché des baskets est par nature mouvant, et l’attrait pour les produits performants ou à forte identité technique ne s’érode pas. Des marques comme ASICS, Salomon, ON Running ou HOKA connaissent une croissance à deux chiffres, portée par le regain d’intérêt pour les usages fonctionnels (trail, running, marche active).

Salomon, historiquement centrée sur les sports de montagne, a vu ses modèles XT-6 et ACS Pro exploser en popularité grâce à des choix esthétiques affirmés et une distribution sélective. La marque a doublé ses ventes en trois ans sur les marchés occidentaux, sans publicité de masse. ON, soutenue par Roger Federer, s’impose comme une référence en chaussures de running premium avec une technologie d’amorti propriétaire, et a dépassé le milliard d’euros de chiffre d’affaires en 2023.

Ce basculement vers des marques perçues comme plus techniques ou authentiques remet en cause les stratégies des leaders. Nike tente de réactiver sa dynamique en investissant dans le segment lifestyle-technique, avec la gamme ISPA ou les relances de modèles comme la Vomero 5. adidas, en revanche, peine à reconstruire une offre désirable hors de l’effet Yeezy, malgré ses efforts sur la gamme Terrex et les relances de la ligne Samba.

Les ventes directes au consommateur (DTC) représentent aujourd’hui plus de 42 % des revenus de Nike. Ce modèle améliore les marges mais augmente la dépendance à la capacité des marques à créer du trafic vers leurs propres canaux. Dans un contexte de réduction du pouvoir d’achat, cette stratégie atteint ses limites, notamment en Europe.

Un futur entre consolidation, repositionnement et ajustements logistiques

Les projections de Statista à +5,18 % entre 2024 et 2028 reposent sur plusieurs leviers structurels. D’abord, la démographie reste favorable : les jeunes générations consomment plus de chaussures de sport par an que leurs aînés, et l’usage quotidien des sneakers s’est banalisé dans de nombreuses sphères sociales, y compris le travail.

Ensuite, le marché secondaire (revente) devient un moteur structurant. Des plateformes comme StockX, GOAT ou Klekt permettent aux marques de tester la perception de valeur de leurs produits sans en assumer le risque initial. En parallèle, le secteur voit l’émergence d’un nouveau segment hybride : celui des chaussures techniques détournées pour un usage urbain, au croisement de la performance et du style.

La logistique, enfin, devient un enjeu de premier plan. Les marques qui réussiront seront celles capables d’adapter leur production en flux tendus, de réduire leur dépendance à l’Asie, et d’intégrer plus de circularité dans leur modèle (réparation, revente, recyclage). ON, par exemple, expérimente une formule d’abonnement mensuel pour accéder à un modèle recyclable, livrable et échangeable à volonté, préfigurant des modèles de consommation plus flexibles.

À moyen terme, la consolidation du secteur est probable. Des groupes comme VF Corp, propriétaire de Vans, sont déjà en difficulté, tandis que d’autres comme Deckers (HOKA, Teva) voient leur valorisation grimper grâce à des marques agiles, concentrées sur la performance et capables de séduire une clientèle multigénérationnelle.

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