En 2025, la sneakerina et les teintes audacieuses marquent une rupture dans les tendances des sneakers, entre esthétique ballet et explosion chromatique.
Une double rupture stylistique
Le marché des sneakers en 2025 ne se contente plus de revisiter ses classiques ou de capitaliser sur la nostalgie. Il se transforme en surface d’expérimentation formelle, où deux tendances émergent clairement : la Sneakerina, inspirée de l’univers du ballet, et le retour des palettes colorées franches, en opposition frontale au minimalisme beige-gris-blanc qui dominait depuis cinq ans.
La Sneakerina n’est pas une excentricité marginale. C’est un segment croissant, particulièrement porté par des marques comme Miu Miu, Simone Rocha et Prada, qui ont intégré des codes du vestiaire ballet (satin, rubans, volumes fins) dans des chaussures hybrides. Loin d’un simple effet de mode, cette tendance trouve un écho fort chez les consommateurs à la recherche d’un produit mixte, entre sneakers et chaussures d’expression visuelle.
En parallèle, les grandes marques généralistes comme Nike ou adidas abandonnent partiellement la neutralité chromatique. Les couleurs saturées – bleu électrique, rose fuchsia, rouge primaire – dominent les collections printemps-été, avec des références explicites aux années 1990. Des modèles comme la Miu Miu Gymnasium, la Nike Air Max Plus Rainbow Pack, ou les éditions multicolores de la adidas Ozweego bousculent l’idée d’un bon goût discret.
Ces tendances, apparemment opposées, traduisent une même dynamique : repenser la sneaker comme un objet de style affirmé, et non plus comme un simple accessoire fonctionnel ou statutaire. Elles dessinent un marché plus segmenté, plus féminin dans ses références, et plus sensible aux usages culturels transverses.
Une Sneakerina pensée pour scénariser le corps, pas pour courir
La Sneakerina est le fruit d’une mutation stylistique lente, amorcée en 2022 mais qui s’impose véritablement en 2025. Le terme désigne une catégorie de baskets s’inspirant ouvertement des chaussures de danse classique. Contrairement aux modèles running ou trail, ici la priorité est donnée à l’esthétique : matières satinées, lacets fins croisés, volumes plats, couleurs poudrées.
Miu Miu reste la marque référente sur ce segment, avec plusieurs modèles qui font rupture : semelle basse et fine, empeigne satinée, absence de renforts techniques visibles, prix moyen autour de 690 euros. Les modèles se vendent principalement dans les tailles comprises entre 36 et 39, preuve que la cible reste très clairement féminine et urbaine. Le succès est alimenté par une stratégie de distribution sélective et une communication exclusivement visuelle (pas de storytelling technique, pas de campagne performance).
Simone Rocha applique la même logique, mais avec des détails surchargés : perles, broderies, volants appliqués sur la tige. Ce style maximaliste tranche avec la simplicité des silhouettes sportswear classiques. Ici, la basket devient un accessoire scénique, qui ne s’adresse pas aux amateurs de performance, mais à ceux qui cherchent un objet expressif, presque performatif.
Chez Prada, la Sneakerina prend une tournure plus hybride : semelle extérieure semi-rigide, chausson intérieur moulant, matières techniques mixées avec du satin. Ce choix permet d’adresser à la fois une clientèle mode et une clientèle active. Le prix oscille entre 550 et 780 euros, selon les éditions. Prada vise un public plus international, notamment asiatique, où l’esthétique ballet-core s’inscrit dans une tradition visuelle bien implantée.
La Sneakerina modifie aussi les règles du merchandising. En boutique, ces modèles ne sont plus rangés avec les chaussures sport mais présentés comme objets mode autonomes, au même titre qu’un sac ou une pièce de joaillerie textile. Cette bascule impose un changement de lecture produit, et repositionne la sneaker loin de son ancrage historique.
Une poussée chromatique assumée par les grandes marques
En parallèle, une autre tendance marquante s’impose dans les tendances des sneakers 2025 : la montée en puissance des couleurs franches, vives, sans compromis. Les codes neutres sont volontairement mis à distance, dans une logique de saturation visuelle. Cette stratégie trouve ses racines dans la culture pop, les années 90, et une réponse directe à une décennie de neutralité esthétique.
Chez Nike, la série Rainbow Pack appliquée à des silhouettes comme la Air Max Plus, la Air Max DN ou la Cortez adopte une approche très littérale : dégradés multicolores, contrastes nets, finitions brillantes. Le succès est immédiat sur certaines zones urbaines, avec des ruptures constatées dans plusieurs tailles dès la deuxième semaine de commercialisation. Le prix moyen est de 160 euros, avec un ticket d’entrée à 139,99 euros pour les éditions sans packaging spécifique.
adidas décline une approche similaire avec des palettes arc-en-ciel sur des modèles comme l’Ozweego, la Forum Bold, ou la ZX 22 Boost. L’objectif est clair : capter une clientèle jeune, notamment Gen Z, qui considère la couleur comme un critère d’identification sociale plus que comme une simple variable esthétique. Ces sneakers ne cherchent pas à se fondre dans un vestiaire, mais à en être l’élément visuel dominant.
La Miu Miu Gymnasium, de son côté, propose une lecture plus structurée de la couleur. Le modèle alterne zones monochromes franches (bleu cobalt, orange intense) et blocs de semelle désassortis. La basket devient alors une pièce graphique, presque modulaire. Ce traitement coloriel vise une cible déjà sensibilisée à la logique du « fashion sneaker », prête à intégrer une basket comme élément principal d’une silhouette. Le modèle est vendu à 680 euros, et fait l’objet d’éditions limitées par tonalité.
Les plateformes de revente confirment la tendance : les paires colorées bénéficient d’un taux de rotation supérieur de 35 % aux modèles blancs ou noirs en 2024. Les pics de recherche autour de mots-clés liés à la couleur (« fuchsia sneakers », « colorblocked shoes », « bold trainers ») ont augmenté de +68 % entre janvier et juin 2025 selon Lyst.
Une lecture plus segmentée des attentes consommateurs
Ces deux tendances – Sneakerina et palette audacieuse – s’inscrivent dans une reconfiguration plus large du marché des sneakers. Le consommateur ne cherche plus une chaussure universelle. Il attend un produit ciblé, adapté à un scénario d’usage ou à une posture stylistique précise. C’est un changement fondamental dans la façon de concevoir, positionner et vendre la basket.
Le segment féminin devient moteur. Les marques ne se contentent plus d’adapter des modèles masculins à des pointures plus petites. Elles développent des lignes conçues d’emblée pour des usages où la performance est secondaire : mobilité douce, représentation visuelle, confort quotidien. Ce déplacement d’intention modifie la hiérarchie des fonctions produit. On ne vend plus une semelle amortie, on vend un état d’esprit.
Par ailleurs, la logique chromatique bouleverse les critères de sélection. Là où le consommateur valorisait autrefois la neutralité pour des raisons de polyvalence, il privilégie désormais des paires marquées, différenciantes. Le choix se fait souvent par coup de cœur visuel immédiat, sans rationalisation fonctionnelle. Ce phénomène est accentué par l’omniprésence des visuels produits sur les réseaux sociaux, où la lisibilité visuelle l’emporte sur toute autre considération.
Les marques qui réussissent sont celles qui assument une esthétique radicale, sans compromis narratif. L’ambiguïté n’a plus sa place : une basket est ballet, ou elle ne l’est pas. Elle est fluo, ou elle ne l’est pas. Cette clarté dans le positionnement permet de mieux segmenter les gammes, d’éviter le bruit visuel, et de construire une fidélité produit autour d’un vocabulaire formel fort.
